Voici un extrait d'une pièce de Shakespeare : HENRY VI (Partie 2).
Le Roi Henry VI est faible, ses conseillers s'associent donc entre eux pour manipuler le Roi.
Seul Glocester est fidèle au Roi, tous les autres conseillers du Roi vont donc s'allier entre eux dans un complot pour faire arrêter Glocester.
Même la Reine fait parti du complot...
Après avoir arrêté Glocester devant le Roi pour soupçons, les comploteurs vont donc décider de tuer Glocester comme des assassins.
Shakespeare, c'est magnifique, c'est du faux qui dit tellement du vrai sur les sociétés...
Ce qui est beau chez Shakespeare, c'est qu'il aura fait de la très haute philosophie sous un format divertissant.
On se croirait dans un mélange entre les grecs et Netflix...
TRADUCTION PAR LE FILS DE VICTOR HUGO.
Le Roi Henry VI
La Reine Margueritte
Glocerter : Conseiller fidèle du Roi
Suffolk : Conseiller comploteur et amant de la Reine
York : Conseiller comploteur
Cardinal : Conseiller comploteur
Les conseillers sont des gens très proches du Roi, frères, oncles,...
glocester.
— Tous les bonheurs à mon seigneur le roi ! — Pardonnez-moi, mon suzerain, d’avoir tant tardé.
suffolk.
— Non, Glocester, sache-le, tu ne pouvais qu’arriver trop tôt, — déloyal que tu es. — Je t’arrête ici pour haute trahison.
glocester.
— C’est bien. Suffolk ; tu ne me verras pas rougir, — ni changer de visage pour cela. — Un cœur immaculé n’est pas facilement intimidé. — La source la plus limpide n’est pas plus exempte de fange — que je suis pur de toute trahison envers mon souverain. — Qui peut m’accuser ? En quoi suis-je coupable ?
york.
— On croit, milord, que vous vous êtes laissé corrompre par la France, — et qu’étant protecteur, vous avez retenu la paie des soldats : — ce qui fait que son Altesse a perdu la France.
glocester.
— Voilà ce qu’on croit ! qui sont ceux qui le croient ? — Jamais je n’ai dérobé leur paie aux soldats, — ni reçu une obole de la France. — Que Dieu me refuse son aide, s’il n’est pas vrai que je passais les nuits, — oui, les nuits après les nuits, à travailler pour le bien de l’Angleterre ! — Puisse le liard dont j’aurais frustré le roi, — puisse le denier que j’aurais détourné pour mon usage, — être produit contre moi au jour de mon jugement ! — Non ! maintes fois de ma propre bourse, — ne voulant pas taxer les communes appauvries, — j’ai donné de l’argent pour la solde des garnisons, — et je n’ai jamais demandé de restitution.
le cardinal.
— Tout cela vous est bon à dire, milord.
glocester.
— Je ne dis que la vérité, Dieu m’en est témoin !
york.
— Pendant votre protectorat, vous avez inventé — contre les condamnés des supplices étranges et inouïs, — en déshonorant l’Angleterre par la tyrannie.
glocester.
— Eh ! l’on sait bien que, tant que j’ai été protecteur, — la pitié a été mon seul tort. — Car je m’attendrissais aux larmes du coupable, — et quelques mots repentants étaient pour moi la rançon de ses fautes. — À moins que ce ne fût un meurtrier sanguinaire, — ou un brigand affreusement criminel ayant dévalisé de pauvres passants, — jamais je ne lui iniligeais de peine assez sévère. — il est vrai que j’ai torturé le meurtre, ce crime sanglant, — plus que la félonie ou tout autre délit.
suffolk.
— Milord, il est aisé et commode de répondre à ces accusations. — Mais on met à votre charge des crimes plus graves — dont vous ne pourrez aisément vous purger. — Je vous arrête au nom de Son Altesse, — et vous remets céans à la garde de milord cardinal — jusqu’au jour de votre procès.
le roi henry.
— Milord de Glocester, c’est mon spécial espoir — que vous vous laverez de tout soupçon. — Ma conscience me dit que vous êtes innocent.
glocester.
— Ah ! mon gracieux lord, ces temps sont dangereux ! — La vertu est étouffée par la noire ambition, — et la charité chassée d’ici par la main de la haine. — Une odieuse corruption prédomine, — et l’équité est exilée de la terre de Votre Altesse. — Je sais que leur complot a pour but d’avoir ma vie ; — et, si ma mort pouvait rendre ce pays heureux, — et mettre un terme à leur tyrannie, — je la subirais bien volontiers. — Mais ma mort n’est que le prologue de leur pièce ; — et mille autres, qui ne soupçonnent pas encore le péril, — ne concluront pas la tragédie qu’ils méditent. — L’œil rouge et étincelant de Beaufort décèle la malveillance de son cœur, — comme le front nébuleux de Suffolk, sa haine tempêteuse. — L’ironique Buckingham se soulage par la parole — du fardeau d’envie qui pèse à son cœur ; — et le hargneux York, qui voudrait atteindre à la lune, — et dont j’ai rabattu le bras outrecuidant, — dirige contre ma vie de fausses accusations. — Et vous, comme les autres, ma souveraine dame, — vous avez sans motif accumulé les disgrâces sur ma tête ; — et vous avez fait tous vos efforts pour soulever — contre moi l’inimitié de mon bien-aimé suzerain. — Oui, vous vous êtes tous concertés ensemble, — moi-même j’ai eu avis de vos conciliabules, dans le but unique de détruire mon innocente vie ; — il ne manquera pas de faux témoins pour me condamner — ni de prétendues trahisons pour ajouter à ma charge. — Le vieil adage sera pleinement justifié : — Pour battre un chien un bâton est vite trouvé.
le cardinal.
— Mon suzerain, ces invectives sont intolérables. — Si ceux qui ont à cœur de protéger votre royale personne — contre le couteau caché de la trahison et la rage des traîtres — sont ainsi tancés, insultés et outragés, — toute licence de parole étant accordée au coupable, — cela refroidira leur zèle pour Votre Grâce.
suffolk.
— N’a-t-il pas offensé notre souveraine dame — par des paroles injurieuses, quoique savamment conçues, — insinuant qu’elle avait suborné des gens pour attester sous serment — de fausses allégations destinées à le ruiner ?
la reine marguerite.
— Mais je puis permettre les récriminations à celui qui perd.
glocester.
— Le mot est plus juste que vous ne le croyez : je perds, en effet. — Mais malheur aux gagnants qui m’ont triché ! — Ceux qui perdent ainsi ont bien le droit de parler.
buckingham.
— Il va extravaguer et nous retenir ici tout le jour. — Lord cardinal, il est votre prisonnier.
le cardinal, à ses gens.
— Vous autres, emmenez le duc et gardez-le bien.
glocester.
— Ah ! le roi Henry rejette ainsi sa béquille, — avant que ses jambes soient assez fermes pour le porter. — Ainsi voilà le berger chassé loin de toi, — tandis que les loups hurlent à qui te dévorera le premier. — Ah ! puissent mes craintes être vaines ! Ah ! puissent-elles l’être ! — car, bon roi Henry, c’est ta chute que je crains.
Glocester sort, emmené par des gardes (17).
le roi henry.
— Milords, agissez comme vous le trouverez bon dans vos sagesses : — faites et défaites, comme si nous étions ici en personne.
la reine marguerite.
— Quoi ! Votre Altesse veut quitter le Parlement !
le roi henry.
— Oui, Marguerite ; la douleur inonde mon cœur, — et ses flots commencent à déborder dans mes yeux. — Ma vie est de toutes parts enveloppée par la misère ; — car quoi de plus misérable que le mécontentement ? — Ah ! mon oncle Homphroy ! je vois sur ta face — la mappemonde de l’honneur, de la franchise et de la loyauté : — et jusqu’à cette heure, bon Homphroy, il ne m’est jamais arrivé — de te trouver perfide ou de douter de ta fidélité. — Quelle est donc l’étoile hostile qui s’acharne contre ta fortune, — pour que ces puissants lords et Marguerite, notre reine, — cherchent ainsi la ruine de ton innocente existence ? — Tu ne leur as jamais fait de mal ; tu n’as fait de mal à personne. — Et de même que le boucher emmène le veau, — et lie le malheureux, et le bat quand il s’écarte — du chemin de l’abattoir sanglant, — de même ces implacables t’ont enlevé d’ici ; — et, de même que la mère erre en mugissant — du côté où s’en est allé son petit innocent, — ne pouvant rien que pleurer la perte de ce chéri, — de même je déplore l’infortune du bon Glocester — avec des larmes impuissantes, et je le cherche — avec des yeux troubles, sans rien pouvoir pour lui, — tant sont formidables ses ennemis jurés ! — Je vais gémir sur ses malheurs, et, entre chaque sanglot, — je dirai : S’il y a un traître, ce n’est pas Glocester.
Il sort.
la reine marguerite.
— Lords libres de préjugés, la froide neige fond aux ardents rayons du soleil. — Henry, mon seigneur, froid pour les plus grands intérêts, — est trop accessible à un fol attendrissement ; et les dehors de Glocester — le fascinent, comme le crocodile plaintif — prend le voyageur compatissant au piége de ses gémissements, — ou comme le serpent, étalant sur un banc de fleurs — sa peau brillante et bigarrée, mord l’enfant — qui admire sa beauté. — Croyez-moi, milords, si nul n’était plus sage que moi — (et en cette conjoncture je me crois assez sage), — ce Glocester serait bientôt débarrassé de cette vie — pour nous débarrasser des craintes qu’il nous inspire.
le cardinal.
— Qu’il meure, cela est d’une bonne politique ; — mais nous manquons encore de prétextes pour sa mort. — Il convient qu’il soit condamné selon les formes de la loi.
suffolk.
— À mon avis, voilà qui ne serait pas politique ; — le roi travaillera toujours à lui sauver la vie, — les communes se soulèveront peut-être pour lui sauver la vie ; — et puis nous n’avons que cet argument banal, — la méfiance, pour justifier sa condamnation.
york.
— D’où il suit que vous ne désirez pas sa mort.
suffolk.
— Ah ! York, nul vivant ne la désire autant que moi.
york.
— C’est York qui a le plus grand intérêt à sa mort. — Mais, milord cardinal, et vous, milord de Suffolk, — dites votre avis, parlez du fond du cœur : — ne vaudrait-il pas autant charger un aigle à jeun — de protéger un poulet contre un milan affamé — que faire du duc Homphroy le protecteur du roi ?
la reine marguerite.
— En ce cas le pauvre poulet serait bien sûr de sa mort.
suffolk.
— C’est vrai, madame. Et n’y aurait-il pas folie — à faire du renard le gardien du troupeau, — et, tout accusé qu’il est d’être un rusé meurtrier, — à fermer les yeux sur sa perfidie, — sous prétexte qu’il n’a pas encore exécuté son dessein ? — Non ! — Qu’il meure, avant que ses mâchoires soient teintes d’un sang cramoisi : — qu’il meure, parce qu’il est le renard, — reconnu comme l’ennemi naturel du troupeau, — comme Homphroy, toutes les raisons le prouvent, est l’ennemi du roi ! — Et n’ergotons pas sur les moyens de le tuer : — qu’il meure par engins, piéges ou guets-apens, — endormi ou éveillé, peu importe, — pourvu qu’il meure ! Car la fraude est bonne, — quand elle prévient celui qui méditait la fraude.
la reine marguerite.
— Trois fois noble Suffolk, c’est parler avec résolution.
suffolk.
— Il n’y a de résolution que s’il y a exécution : — car on dit souvent ce qu’on n’a guère l’intention de faire ; — mais ici mon cœur est d’accord avec ma langue, — considérant que l’acte est méritoire — et doit préserver mon souverain de son ennemi. — Dites seulement un mot, et je lui servirai de prêtre.
le cardinal.
— Mais je le voudrais mort, milord de Suffolk, — avant que vous ayez pu recevoir dûment les ordres ; — dites que vous consentez, que vous approuvez l’acte ! — et je lui fournirai un exécuteur, — tant j’ai à cœur le salut de mon roi.
suffolk.
— Voici ma main, l’acte est digne d’être fait.
la reine marguerite.
— J’en dis autant.
york.
— Et moi aussi : et maintenant que tous trois nous avons parlé, — peu importe qui blâme notre arrêt.