de gogote » Lun 9 Juil 2018 17:10
Bonjour les amis,
Tout d'abord, je voudrais remercier ma chère Pau avec qui nous avions échangé de longue date, et vicky pour les messages de soutien ci-dessus qui m'ont extrêmement fait plaisir.
Enfin, et après tout ce temps, je mets à l’œuvre ma promesse d'évoquer la continuité de mon cheminement. Je vais faire au mieux, au plus simple, tant cette dernière année fut un chamboulement terrible dans ma vie, chamboulement face auquel j'apprends à lutter chaque jour du mieux que possible. Et vous verrez que je parlerai avant tout d'être soi, avant même de santé, de génétique ou que sais-je encore comme je l'aurai fait par le passé.
Par où commencer ? Je crois qu'il n'est pas utile de mentionner à nouveau la douleur qui m'a accablé cette année passée, et le deuil dans lequel je suis encore eu égard de ma dernière relation. J'ai du apprendre à combattre et rester debout seul face à moi-même, à mes conditions physiologiques longuement évoquées ici, mais surtout à l'abandon, la perte de l'être aimé. En étant honnête, j'aurai très bien pu ne plus être ici à conter ce message aujourd'hui, tant j'ai failli vaciller à de nombreuses reprises. Maintes fois, j'ai véritablement lâché prise, souhaitant que tout s'arrête sans chercher à combattre une santé dégradée. Mais à chaque fois, des faits subtils et des personnes insoupçonnables m'ont ramené. Je ne rentrerai pas dans les détails personnels de tout ce que j'ai vécu durant cette période, mais ce fut un ensemble de synchronicités, d'intuitions ou encore de ressentis hors normes, couplés à certaines capacités médiumnités qui se sont véritablement révélées.
Il n'empêche ; malgré ces événements et un "retour à la vie", j'avance toujours à petit pas, le cœur encore lourd et épris. Éternel idéaliste, être aimant sincère et fidèle, il me faudra de longues années encore pour colmater cette rupture, tant est si peu que j'y arrive vraiment un jour. En réalité, c'est ma façon de voir la vie, l'amour et ma propre personne qui sont en constante évolution depuis. La redécouverte de soi est une claque immense, mettant en lumière les erreurs passées, les croyances erronées, l'abandon de soi, l'ambivalence et les contradictions. Elle reflète aussi cette confiance parfois aveugle pour l'autre, tout autant que des craintes insupportables anéantissant une confiance régit par les peurs ou de lointaines névroses qui m'auront suivi durant ces dernières années. Une labilité émotionnelle que l'on voudrait mieux gérable et comprise mais qui témoigne finalement d'un profond mal-être et déséquilibre envers soi.
Dans cet imbroglio de soi, il faut arriver à faire le tri, déculpabiliser, se pardonner. Comme pardonner à l'autre. Il est marrant de voir que j'ai rapidement pardonné à celle qui a partagé ma vie, combien je l'estime encore, et n'ayons pas peur des mots, combien je l'aime toujours et l'aimerai quelque part à jamais de manière inconditionnelle. Mais à côté de cela, la culpabilité est toujours présente. Au sein de l'avancement, dans l'apprentissage de soi, du changement, de la découverte mais aussi de la lutte puis de l'acceptation de ses propres blocages et doctrines du passé, il reste une profonde désolation. La souffrance de s'être autant accroché au paraître, de s'être travesti pour autrui, à une image familiale, aux normes sociales. La souffrance et l'amertume d'avoir tout simplement été ce que l'on est pas réellement à l'intérieur de soi, mais que l'on devient par accoutumance, manque de confiance, mal-être, égo, ou simplement par un ensemble de peurs de la tromperie, de l'abandon, de la la perte d'un être qui nous est vraiment cher, de son amour. Et lorsqu'on le comprend, sans ressources adéquates sur l'instant ou plus encore en profondeur mais trop tardivement, l'impossibilité d'un retour en arrière, de conter ses fautes, de prospérer de nouveau ou de montrer une facette d'ensemble de soi plus équilibrée nous ronge. En réalité, je souffre simplement et toujours de la perte d'un lien d'amour qui me tenait à la vie, dont l'unicité respirait une inégalée pureté. A travers l'autre se dresse souvent un portrait valorisant et aimant de soi. Dans le tourment pourtant, on endommage cet amour-propre que l'autre ne semble plus pouvoir suffisamment combler à nos yeux. Le vice est engagé, la torture ingouvernable. Ampli de méprise, réclamant toujours plus d'attention, de tendresse et de soutien dans le but de combler nos propres faiblesses et blessures, nos attentes reconsidèrent l'amour de l'être aimé avant que la rancœur ne le dilapide. Après l'incompréhension, les reproches et le sentiment de trahison, on ne comprendra malheureusement et que trop tardivement l'erreur d'ériger autrui en sauveur de nos maux. Pire encore, en reposant l'équilibre de soi et donc la réussite d'une union sur son seul être, la culpabilité nous rongera pour longtemps en comprenant le poids des souffrances et de l'impensable responsabilité que nous lui avons fait subir là. Et pourtant... pourtant, ce malgré toutes ces fautes, ces erreurs, cet échec, l'accablement, la désespérance, le déshonneur et tant d'incompris, de défauts d'échanges puis l'évasion, ce lien en théorie rompu respire toujours de longs mois après, et ne cessera parfois des années et même toute une vie de rayonner tel une flamme inaltérée, brulant de son unicité, encore là quelque part, en vie, autour de nous, partiellement présent en notre fort intérieur, au plus profond de notre âme. Si beau et si dur que soit l'amour, sous nos yeux comme distant, il perturbe toujours nos sens, notre quotidien, nos forces, embrasant nos vibrations de sentir à la fois si proche et si loin un partage que rien ne semblera jamais pouvoir éconduire, l'absence d'une moitié que nul ne pourra jamais combler ni remplacer...
L'expérience de la séparation suscite l'angoisse, la honte et la culpabilité. Le réel besoin, celui le plus profond de l'homme lorsqu'il tente de surmonter la séparation, est en réalité de fuir la prison de sa solitude. Comment surmonter la séparation, accomplir l'union, transcender sa propre vie individuelle et trouver l'unicité ? Dans notre société, il suffit d'observer autour de nous pour voir que la majorité remonte la pente en se jetant sur les applications de rencontres, à travers les boites de nuits, ou diverses roulades sexuelles ou orgiaques. Dans un état transitoire d'exaltation sexuelle, le monde extérieur semble disparaître, et avec lui le sentiment d'en être séparé. On expérimente, on fusionne avec d'autres gens du groupe, rendant cette solution d'autant plus efficace. Mais l'orgasme et l'extase de ces instants sont comparables aux effets de certaines drogues, permettant de continuer un temps sans trop souffrir de la séparation. C'est un leurre masquant la réelle souffrance. Un leurre parfois vertueux, emprunté par beaucoup, recommandé à foison. Une première façon de se conformer perçue positivement, à contrario des drogues, de l'alcool ou autres addictions en contraste des modèles sociaux. Alors qu'ils tentent d'échapper à la séparation en se réfugiant dans des procédés divers, ces personnes amplifient le sentiment de la séparation autant que ceux dépendant de la forme sexuelle. Mais dans tous les cas, on rejoint le groupe, et l'on se rassure. On comprend vite alors comment le rêveur, l'idéaliste ou encore l'hypersensible-hyperconscient sont rejetés dans la mélancolique souffrance, ou au sein d'un spleen anéantissant. Ainsi né la souffrance, la culpabilité, le remord.
Loin de cette tentative désespérée de consommation par l'orgasme d'échapper à l'angoisse de la séparation - qui n'aboutit qu'au sentiment toujours croissant d'être séparé, compte tenu que l'acte sexuel sans amour ne comble jamais la distance entre deux êtres humains, sinon pour un instant - les inadaptés aux blessures de l'âme souffrent en silence. Un silence dont les solutions transitoires, conformistes et périodiques pour court-circuiter l’instantanée afin de vous tenir en vie ne sont pas une issue pour les gens comme moi. Cette solution la plus fréquente fondée sur le conformisme au groupe, à ses coutumes, pratiques et croyances est le propre de l'humain. L'évoquer, le sous-entendre, le remettre en question, c'est attisé la haine, le rejet, le rabaissement, et les émois moralisateurs que l'on peut souvent retrouver à cet effigie. Pourquoi ? Tout simplement car l'union au groupe constitue la façon prévalente de surmonter la séparation. Le nier ou le rejeter, c'est repousser l'autre, la masse. Pourtant, ces personnes rejettent le soi individuel pour appartenir à la foule. Ils se conforment en tous points : coutumes, usages vestimentaires, idées, sorties, pattern... en faisant cela, les anciennes doctrines éclatent, les revirements explosent, la versatilité atteint son summum. Je mens, je m'adapte, je deviens membre du troupeau pour m'évader de l'effrayante expérience de la solitude. On ne peut imaginer et expliquer l'emprise qu'exerce la peur d'être différent, de s'éloigner du troupeau ne fut-ce que de quelques pas sinon en comprenant à quelle profondeur se situe le besoin de ne pas en être séparé. En fait, les gens veulent se conformer à un degré bien plus élevé qu'ils n'y sont contraints, et plus encore dans notre démocratie actuelle. Vous avez là l'une des explications vulgarisées à toutes ces personnes, femme ou homme, qui renient soudainement passé, convictions, bienveillance ou promesses de jadis tout en détruisant vie de famille ou ces amants encore dans la naïveté d'un idéalisme sans fin...
La plupart des gens ne sont même pas conscients de leur besoin de conformisme. Ils vivent avec l'illusion qu'ils suivent leurs propres idées et penchants, qu'ils sont individualistes, que les opinions auxquelles ils sont arrivés représentent l'aboutissement de leur propre réflexion - et que, si leurs idées rejoignent celles de la majorité, c'est en quelque sorte une coïncidence. Le consensus de tous sert de preuve à la justesse de leurs idées. Comme persiste malgré tout un besoin de ressentir quelque individualité, ils le satisfont sur des différences mineures : signes distinctifs dans le style vestimentaire, tatouages/percings, coupes de cheveux/maquillages, bijoux, appartenance politique, films/séries/sports, modèle alimentaire, travail, argent etc etc. Le slogan de la différence relève ce besoin pathétique de différence, alors qu'en réalité, c'est à peine s'il en subsiste une. Le plus terrible, c'est que l'on reproduit ces schémas par l'intermédiaire de microcosmes, en reproduisant là encore ce que l'on critique, pensant mieux faire tout en snobant notre humilité... en fait, on ne remplace bien souvent qu'une ou des doctrines par d'autres nouvellement arrivées. Doctrines alimentaires, religieuses, politiques, santé, éducationnelle etc etc... ayant acquis une certaine forme de connaissance présageant une ouverture au monde survalorisant, nous tendons facilement vers la critique de l'autre, de ses choix, divertissements ou centres d’intérêts... répondant ni plus ni moins en miroir à ce qui nous débecte. En réalité, nous jugeons, comparons, et une fois encore, rabaissons l'humain dans sa globalité. Il n'est finalement aucune assurance de rayonnement en s'écartant du traditionalisme. On s'y perd à contrario parfois dans l'aigreur, l'élitisme ou l'obscurantisme. Or, il convient de trouver un juste milieu. Dans la société capitaliste contemporaine, la signification de l’égalité s’est transformée. Par égalité on se réfère à une égalité d’automates ; d’hommes qui ont perdu leur individualité. Aujourd'hui égalité signifie « similitude » plutôt que « singularité ». Et c'est bien cette similitude d’abstractions, d’hommes qui exécutent les mêmes travaux, qui s’adonnent aux mêmes loisirs, qui lisent les mêmes livres, utilisent les mêmes médias, ou qui nourrissent les mêmes sentiments et les mêmes idées qui répugnent beaucoup d'entre-nous. Il faut pourtant savoir faire preuve d'humilité, au risque de s'éloigner de l'amour. En fait, en comprenant progressivement l'utopie d'un ensemble de doctrines de l'enfance, de l'amour-rêve et éternel, d'une fausse perfection de l'adulte ou d'un assemblage de niaiseries, on a vite fait de s'instiguer influenceur au changement des autres, de les moduler à l'image de notre éveil... irréductible erreur.
Car, tout comme la production moderne en grande série requiert la standardisation des produits puis de l'homme devant se montrer toujours fort après une chute/une destruction amorale, le processus social tend vers la standardisation. Il est donc logique que la masse y réponde, ou ne se sente pas capable de s'y opposer, de l'affronter. Ainsi, les unions aujourd'hui sont soi de plus en plus éphémères, ou doivent durer dans le calme, sans disputes, à la fois dictée par la routine mais entouré de magie, d'émotionnel et de normalité. Mais pour toutes ces raisons, une relation suffit rarement à pacifier l’angoisse de la séparation. L’incidence de l’alcoolisme, la toxicomanie, la sexualité compulsive, et le suicide dans la société occidentale contemporaine sont des symptômes de cet échec relatif du conformisme à la foule. Le conformisme à la foule ne présente qu’un seul avantage ; il est permanent, et non spasmodique. Dès l’âge de trois ou quatre ans, l’individu est introduit dans le pattern du conformisme, et par la suite, ne perd jamais son contact avec la foule. Même ses funérailles, qu’il anticipe comme sa dernière grande affaire sociale, demeurent en stricte conformité avec le pattern. Dans sa routine de couple, du travail et du plaisir, l’homme devient un « huit heures - midi, deux heures - six heures », il fait partie de la force de travail des employés et directeurs. Il a peu d’initiative, ses tâches sont régies par l’organisation du travail ; même entre ceux qui se situent au haut et au bas de l’échelle, la différence est restreinte. Tous accomplissent des tâches prescrites par la structure d’ensemble de l’organisation, à une vitesse prescrite, et d’une façon prescrite. Les sentiments eux-mêmes sont prescrits : gaieté, tolérance, honnêteté, ambition, et capacité de s’accommoder avec tout le monde, sans frictions. De façon similaire, quoi qu’avec moins de rigueur, les loisirs d'une vie sont routines. Les programmes de cinéma sont choisis par les distributeurs de films et les propriétaires de salles, avec l’appui de la publicité qu’ils financent en uniformisation du reste : la promenade dominicale du week-end, les émissions de télévision, l'animal de compagnie, le mariage puis l'enfant, les réceptions ou sorties entre amies, les repas de famille, les réseaux sociaux, le style vestimentaire, les critères d'appréciation physiques etc etc. De la naissance à la mort, du lundi au lundi, du matin au soir - toutes les activités sont routinées et préfabriquées. Comment un homme pris dans ce filet de routine et de pensées automatiques n’oublierait-il pas qu’il est un homme, un individu unique, qui n’a reçu que cette seule chance de vivre, avec des espoirs et des désillusions, avec des peines et des craintes, avec le désir nostalgique de l’amour et la terreur du néant et de la séparation ?
En me quittant, celle que j'ai aimé a paradoxalement brisé une partie de notre commune doctrine pour mieux y répondre... envolé l'amour qu'on ne rompt pas, l'union qui perdure. Bienvenue dans le modernisme offrant la possibilité d'indépendance glorifiée, déculpabilisant, sans prévenance. La fuite, l'abandon ou la séparation ne sont plus lapidés mais à contrario signe d'affirmations n'occultant en rien les possibilités de réengagements futurs. Actions louangées, il faut maintenant tester, comparer, vivre autre chose avant de profiter et retourner sereinement dans la volupté d'antan par le mariage, la maison et les enfants, dans l'ignominie devenue délicatesse d'avoir vécu sans regrets une jeunesse farfelue. En réalité, par ma santé, certains traits de caractères, les garanties que je n'offrais plus et certaines rencontres influentes à son niveau, j'ai offert sur un plateau la justification parfaite à cet écart de faits et au délaissement. Un départ concordant subtilement à la modernité, à cette fameuse simplicité des temps modernes, celle ou l'on écoute son enfant intérieur en manque d'expérimentation de nos jours obligatoires pour mieux rejoindre ou être toléré au sein d'un groupe. Le poids des différences étaient trop lourds à porter, l'éloignement au conformisme trop important. La fameuse simplicité et/ou normalité que je ne comprenais pas, ni ne pouvais offrir, c'était celle-ci.
Il est pourtant équivoque de constater qu'une rupture soudaine pour un lendemain en théorie sans contraintes, d’amusement ou égrainée de multiples fusions temporaires préconisées par les influents, c'est à dire l’unité par conformisme, ne constitue en réalité qu’une pseudo-unité, loin de la plénitude résidant dans l’accomplissement de l’union interpersonnelle, de la fusion avec une autre personne, dans l’amour véritable. Ce désir de fusion interpersonnelle est d'ailleurs le plus puissant dynamisme en l’homme. C’est la passion la plus fondamentale, c’est la force qui maintient la cohésion humaine, familiale, sociale. La temporalité, l'éphémère, le paraître sociétal valent-ils à ce point l'échange, l'écoute, le respect, le partage et la sauvegarde d'une union véritable ?
Vraisemblablement, après la soumission de jeunesse vient la pseudo-liberté. Je le conçois mieux maintenant; le pouvoir de la personne à qui l’on se soumet, qu’il s’agisse d’un humain ou d’un dieu, est surestimé ; elle est tout, je ne suis rien, sinon dans la mesure où j’en fais partie. Je participe à sa grandeur, à son pouvoir, à sa certitude. Mais sans prendre de décisions, on n’a pas à assumer le moindre risque ; on est ainsi jamais seul - mais pas indépendant ; il n’y a même aucune intégrité ; l'être n’est pas encore pleinement né. Dans le contexte d’une relation d’amour idolâtrée comme je l'ai vécu, il ne s’agit plus d’une soumission à laquelle seul l’esprit participe, mais tout le corps également. Que la soumission soit à une personne, à la maladie, à la musique rythmique ou encore des drogues - dans tous ces cas - la personne renonce à son intégrité, se fait l’instrument de quelqu’un ou de quelque chose en dehors d’elle ; elle n’a pas besoin de résoudre le problème de la vie par une activité productrice. En cherchant à s'échapper de sa solitude et à son impression d’emprisonnement en faisant d’une autre personne une partie intégrante de lui-même, on se surestime et se valorise par un culte mutuel. Chacun est ainsi dépendant de l'autre et aucune des deux ne peut vivre sans l’autre, nonobstant que l'un commande, exploite, blesse parfois. C'est beau mais ça ne dure pas. Cette fusion sans intégrité en contraste avec l’union symbiotique n'est pas au niveau de l’amour accompli qui implique la préservation de l’intégrité, de l’individualité. L’amour est chez l’homme un pouvoir actif ; un pouvoir qui démantèle les murs séparant l’homme de ses semblables, qui l’unit à autrui ; l’amour lui fait surmonter la sensation d’isolement et de séparation, tout en lui permettant d’être lui-même, de maintenir son intégrité. Le paradoxe de l’amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux. L’envie, la jalousie, l’ambition, toute espèce de cupidité, sont des passions ; l’amour est une action, la pratique d’un pouvoir humain qui ne peut s’exercer que dans la liberté et jamais sous l’effet d’une contrainte. L’amour est une activité, non un affect passif ; il est un « prendre part à », et non un « se laisser prendre ». De manière très générale, on peut en expliciter le caractère actif en disant que l’amour consiste essentiellement à donner, non à recevoir. En ce sens, il faut d'abord s'aimer soi et savoir se donner, auquel cas l'on tombe dans une forme d'égoïsme destructeur. Elle et moi avons alterné amour véritable et duperie inconsciente.
Cet "égoïsme à deux", ou deux personnes rassemblent leurs intérêts communs et se dressent ensemble contre un monde hostile et aliéné définie l'intimité dans laquelle chacun ajuste son comportement aux besoins exprimées de l'autre dans la poursuite de buts communs. L'essence de l'amour réside dans une situation de collaboration ou deux personnes éprouvent ceci : " nous jouons suivant les règles du jeu pour préserver notre prestige ainsi que notre sentiment de supériorité et de mérite." Malheureusement et sur le plan affectif, certains comme moi restent un enfant de deux, de cinq ou de douze ans, alors qu'intellectuellement et socialement, elles se situent au niveau de son âge chronologique. Dans cette situation de besoin affectif oppressant lié à l'enfance et à la mère, nous désirons la protection, l'amour, la chaleur, la sollicitude et l'admiration - un amour inconditionnel, un amour qui soit donné pour la seule raison de répondre au besoin. S'ils découvrent la femme de leurs rêves, les hommes en ce cas présent se sentent en sécurité, au sommet du monde, et savent déployer pas mal d'affection et de charme. Mais, quand après quelque temps, la femme ne se maintient pas à la hauteur de leurs attentes fantasmatiques, des conflits éclatent, le ressentiment s'accumule, la rancœur explose. Si la femme n'est pas sans cesse en train de les admirer, de les rassurer ou si elle revendique une vie qui lui soit propre, si elle aussi désire être aimée et protégée, et dans les cas extrêmes, si elle n'est pas disposée à pardonner leur attention admirative à l'égard d'autres femmes ou recherche elle-même à plaire pour la valorisation, ils se sentent profondément blessés et déçus, et d'habitude ils rationalisent ce sentiment par l'idée que leur femme " ne les aime pas, est égoïste, ou autoritaire ". Tout ce qui s'écarte de l'attitude d'une mère aimante vis-à-vis d'un enfant charmant est pris comme preuve d'un manque d'amour. Ces hommes tendent à confondre leur comportement affectueux, leur volonté de plaire avec l'amour authentique, et dès lors ils en viennent à conclure qu'ils sont traités avec la plus noire injustice ; s'imaginant qu'ils sont de grands amoureux, ils se plaignent amèrement de l’ingratitude de leur partenaire. Ainsi la vie amoureuse, sinon sa vie sociale, essuiera bien des déboires ; face à elles-mêmes, ce genre de personnalité voit poindre des conflits, souvent même des états d'intense angoisse et de dépression ou pire encore, de suicide. A un autre niveau, toute faute, échec ou incapacité de plaire à son père laisse un sentiment de rejet, d'inacceptation, de méprise de soi. On essaiera alors de trouver une figure paternelle à laquelle on puisse s'attacher de la même façon, les relations devenant une suite de hauts et de bas selon que l'on parvienne ou non à gagner l'estime du père, qu'il soit biologique ou adoptif.
En plus d'avoir fait tout ça, recherchant et appréciant la femme-enfant maternelle, tout en ayant trouvé un père adoptif envers qui je cherchais la valorisation permanente, je me suis complètement enfermé dans une forme de pseudo-amour typiquement décrite dans les films et romans comme étant le grand amour. L'amour idolâtre en quelque sorte. En manque de sens identitaire dès lors que mon état de santé a explosé, ce faux-self enraciné dans le déploiement productif de ses virtualités propres n'a cessé d'idolâtrer l'autre au point de s'auto-détruire parfois. Me rabaissant pour remettre et projeter ma vie dans l'être aimé adoré comme le summum bonum, porteur de tout amour, de toute lumière, de toute béatitude, cette démarche m'a vidé de toute consistance. Les rôles se sont en réalité inversés... je me suis perdu dans l'aimé au lieu de me (re)trouver. Plongeant du sommet pour atteindre le sous-sol, nous avons échangé les rôles de jadis. Elle est devenue femme, consciente de sa nature, de ses charmes, atouts et caractéristiques propres, tandis que je redevenais l'enfant à chérir, en manque de confiance, d'amour, et désormais face à la mort de soi. Les attentes et besoins se sont inversés, le roi devenant crapaud, tandis que la reine devint marquise, toujours plus belle mais incapable d'agir, donner ou répondre selon mes propres attentes.
Et comme nul ne peut, à la longue, se tenir à la hauteur des attentes de son adorateur idolâtre, la déception survient tôt ou tard, si bien qu'à titre de remède une nouvelle idole est recherchée. Ce qui caractérise l'amour idolâtre, c'est, à ses débuts, l'intensité et la soudaineté de l'expérience amoureuse, dont l'intensité et la profondeur démontrent un culte mutuel. Mais rapidement, cet amour tire son essence dans le fait qu'il n'est vécu qu'en fantasmes, et non dans le ici-et-maintenant. Nous en apercevons l'expression la plus répandue dans la satisfaction amoureuse par procuration qu'expérimente le consommateur de films, de romans-feuilletons et de chansons d'amour. Tous les désirs inassouvis d'amour, d'union et d'intimité trouvent à se satisfaire dans la consommation de ces produits. La mienne préférait cela à la communication sincère. Et malheureusement, des époux qui, dans leur vie conjugale, sont incapables de percer le mur de leurs isolements intérieurs deviennent comme spectateur de l'amour. Pour bien des couples, voir des histoires sur l'écran ou les lire est une occasion de faire l'expérience de l'amour, non dans la réciprocité, mais ensemble, comme spectateur de l'amour des autres. Aussi longtemps que l'amour est rêverie, ils savent participer, mais dès qu'au rêve se substitue la réalité de la relation, ou la nécessité d'agir pour celle-ci, ils sont gelés.
Un autre aspect de l'amour sentimental est l'abstraction qu'il opère sur le plan temporel. Un couple peut être profondément ému par l'évocation de son amour passé, alors qu'il ne ressentait pas d'amour si puissant lorsque ce passé était présent - ou par les fantasmes de son amour futur. Combien de fiancés et de jeunes mariées ne rêvent-ils pas de la béatitude que l'amour leur apportera dans le futur, alors qu'au moment même ou ils vivent ils commencent déjà à se lasser l'un de l'autre ? Je crois qu'à travers cela, je comprends mieux comment une semaine avant son départ, j'ai pu entendre et voir dans ses yeux brillants que je ferai un bon père de famille, qu'elle était heureuse, ou que nous trouverions la maison de nos rêves. Cette tendance coïncide avec une attitude générale de l'homme moderne. Il vit dans le passé ou dans le futur, mais non dans le présent. Ou bien, il se souvient sentimentalement de son enfance et de sa mère, ou bien il échafaude des plans de bonheur pour l'avenir. Que l'amour soit vécu par procuration en participant aux expériences fictives d'autrui ou qu'il soit décentré au présent vers le passé ou le futur, cette forme d'amour abstraite et aliénée fait fonction d'opium qui atténue la dureté du réel, la solitude et la séparation. Jusqu'au grand plongeon insoupçonné...
Souvent corrélé à l'amour sentimental, l'amour névrotique se caractérise ainsi par un recours à des mécanismes projectifs dans le but d'éviter ses propres problèmes, se masquer une réalité ou détourner toute l'attention en se concentrant sur les imperfections et les faiblesses de la personne " aimée ". Les individus tendent à se comporter à cet égard comme le font les groupes. Ils apprécient avec subtilité les plus menus défauts de leur partenaire, et vont de l'avant, dans l'euphorie, en méconnaissant les leurs - toujours en train de vouloir accuser l'autre ou le réformer. Si les deux conjoints agissent de la sorte - comme c'est souvent le cas - la relation amoureuse se transforme en une relation de projection mutuelle. Si je suis autoritaire, indécis, cupide, mal dans ma peau ou encore réservé, fermé d'esprit, incapable d'agir ou de communiquer, j'en accuse mon partenaire, et suivant mon partenaire, je me mettrai en tête de le guérir ou de le punir. L'autre agit de même - et tous deux réussissent ainsi à ignorer leurs problèmes respectifs, sans dès lors avancer jamais d'un pas dans la voie de leur propre développement. Une autre erreur fréquente est de s'imaginer que l'amour est nécessairement synonyme d'absence de conflits, tout comme on a coutume de croire qu'il faut éviter la souffrance en toutes circonstances. Pour soutenir ce point de vue, on invoque le fait que les luttes autour de soi sont seulement des interactions destructrices qui n'apportent rien de bon à ceux qui s'y trouvent impliqués. Mais la raison en est que la plupart des conflits ne sont autres que des tentatives pour éviter les conflits réels. Il s'agit de désaccords sur des affaires mineures ou superficielles qui, par leur nature même, ne prêtent pas à une clarification ou à une solution. Les conflits réels entre deux partenaires, j'entends ceux qui ne servent pas à dissimuler ou à projeter, mais qui sont vécus au niveau profond de réalité interne à laquelle ils appartiennent, ne sont pas destructeurs. Ils donnent lieu à une clarification, ils produisent une catharsis dont les deux personnes émergent avec plus de connaissance et de force. L'amour n'est possible que si deux personnes communiquent entre elles à partir du centre de leur existence, ce qui implique que chacune se perçoive à partir de ce centre. C'est dans cette " expérience centrale " et seulement en elle, que se situent la réalité humaine, la vitalité, le fondement de l'amour. Vécu de cette façon, l'amour est un défi constant ; il n'est pas un lieu de repos, mais un mouvement, une croissance, un travail réalisé en commun. Qu'il y ait harmonie ou conflit, joie ou tristesse, c'est secondaire par rapport au fait fondamental que deux personnes se rejoignent à partir des profondeurs de leur existence, qu'elles ne font qu'un l'une avec l'autre en ne faisant qu'un avec elles-mêmes, sans fuir leur propre réalité. Il n'y qu'une seule preuve de la présence de l'amour : la profondeur de la relation, la rivalité et la force de chaque partenaire. C'est à ce fruit qu'on reconnaît l'amour.
Quelle déception d'avoir fui cette profondeur d'aimer lorsqu'on l'a connu, qui nous tendait les bras, et qui ne demandait qu'à s'embraser de plus belle loin du burnout amoureux... en réalité, et même si ce fut parfois à travers des formes de pseudo-amour, j'ai toujours aimé profondément dans un engagement que je voulais sincère, sans demi-mesure, et moins encore dans une forme de consommation éphémère et forcée. Le partage profond, la communion, parfois le passionnel, la communication, l'ouverture à l'autre, la réciprocité, l'unisson, la sincérité me faisaient vibrer. En ce sens, je ne me complairai surement jamais dans la conformité des consommations amoureuses et sexuelles propres à cette société. Je me dois d'apprendre à définitivement stopper cette forme de complaisance pour le paraître, arrêter de m'imaginer capable d'adaptations mensongères et de bonheur loin de mon être véritable. Je suis un inadapté aux normes sociaux-culturelles, et cela doit devenir une fierté véritable assumée, sans bassesse ou rabaissement, ni compromis constants et inutiles qui amplifient ces maux.
En fait, je suis inapte à cette antinomie de soi. Sans accepter ma sensibilité, l'idéalisme, les blessures, mes imperfections et mon être entier, je serai incapable de me réengager. L'amour au sens affectif et partagé me manque, mais il m'est impossible de gommer ou combler une absence par le remplacement quelconque. On ne troque pas l'amour sincère. Ce qui m'importe dorénavant, c'est de combattre certaines névroses éducationnelles restantes, mémoires traumatiques, karmiques ou que sais-je encore. Accepter enfin la déception due à la versatilité de l'être, transformer ces biais doctrinaux que j'ai pu/peux avoir en de précieux atouts futurs, mais surtout et enfin, pérenniser pleinement l'affirmation de soi. Je crois par ces écrits que cette affirmation de l'être passe par l'acceptation loin de tout, loin des conventions dogmatiques et de l'enfance. Je dois apprendre à affirmer mes différences avec fierté, et cesser de m'orienter constamment pour les autres en songeant à de potentiels bienfaits. Finalement, en étant faux et loin de ses convictions, on se détruit intérieurement soi-même, et les gens qu'on aime avec.
Je n'aurai peut-être qu'une ou quelques relations dans ma vie, d'un engagement sincères cependant, avec pour mérite l'honnêteté envers soi et l'être aimé. Et malgré mes défauts, les regrets, la culpabilité de l'échec sentimental, je me réjouis avec fierté de ce que j'ai vécu et d'être resté fidèle à mes valeurs morales du mieux que possible dans l'engagement avant/pendant/après cette relation. Et si j'observe hélas avec douleurs mes imperfections, héritages culturels et tout un ensemble de mécanismes de pensées biaisées ou d'actions dévastateurs aujourd'hui, j'espère continuer d'acquérir le savoir, l'acceptation, le respect et la gratitude envers ma précédente relation, tout en grandissant intérieurement pour offrir le meilleur le jour ou je croiserai à nouveau celle qui aura ou pourra chavirer mon cœur. Et tant pis si elle n'existe pas ou que je ne la retrouve pas, car il faut d'abord s'aimer soi et non dans l'autre opposé.
Au fond, j'aimerai toujours avec une gratitude infinie cette dernière histoire et celle qui l'a magnifié avec moi, et c'est en l'acceptant sincèrement et non en la reniant que je pourrai grandir encore. L'aimer avec grâce, avec joie, et émerveillement, mais aussi avec raison sans tomber dans la subjectivité, l'angoisse, la dépression. Aujourd'hui, aussi grande soi la souffrance et le manque d'elle, je souhaite et préfère la solitude que de m'engager à nouveau. Aujourd'hui, je veux patienter, me construire nouvellement et plus fortement, loin des faux amas superficiels compensatoires, afin de retrouver cette identité passée tout en acceptant mes contraintes physiologiques - qui si elles sont sources de déboires et de souffrances - témoignent aussi de ma grande force intérieure. C'est aussi et avant tout cet ensemble de sensibilités, ces caractéristiques multiples et cette personnalité atypique dans un organisme qui l'est tout autant, qui m'auront permis de vivre aussi intensément une relation indescriptible et jouissive de longues années durant, bien loin des faussetés de notre modernité.
Maintenant que je conçois cela, et la chance qui m'eut été offerte, je n'ai pas le droit et l'envie de geindre encore dans et pour un moule qui ne me ressemblera de toute façon jamais. Alors je vais faire mon chemin, mon apprentissage, seul face à moi-même, car après tout et une fois encore, la virilité, c’est aussi savoir être seul, très longtemps, en apprenant à ne pas être frustré, et utiliser ce deuil pour grandir, que l'on soit heureux ou malheureux... dans l'attente qui sait de revivre un jour la beauté des aurores. Mes maux, symptômes et cette santé que j'ai tant évoqué ici font partis de ce Tout que je me dois d'accepter, de gérer, et de comprendre. Vivre avec et non plus à l'encontre... rester objectif et soi-même, dans le bonheur comme le malheur, pour offrir son être véritable, et non plus un mensonge du paraître, qui a engendré tant de destructions, de frustrations, de mal-être, d'éloignement et de tristesse. Est-ce finalement vraiment utile de vous dire que j'ai enfin un nom authentique, une maladie mitochondriale, des cellules et des organes qui s'étouffent et arrêtent de fonctionner par relargage d'acidité musculaire ? Que je n'aurai jamais une vie normale, à jongler entre la fatigue, l'alimentation, les émotions, facteurs de stress et sensibilités environnementales multiples ? Est-il nécessaire d'énoncer toutes ces capacités subtiles qui amplifient ces maux et que je dois apprendre à gérer et non plus réfuter, tant je capte l'invisible, les non-dits, les pensées, émotions ou toutes autres formes de parasitages qui nous entourent ? A quoi bon maintenant... cela ne ramènera pas mon amour, et ne gommera pas toutes les imperfections qui ont été. La maladie m'a transformé, aurait pu me tuer, m'a donné envie de partir, mais elle m'a surement aussi permis de fuir, me cacher, m'écraser. Et je regrette profondément, culpabilisant chaque jour qui passe, d'y avoir confronté le visage de la pureté, sans trouver l'équilibre adéquat abrogeant la prunelle de mes yeux. J'ai fait au mieux, même si l'on perçoit et croit toujours après-coup que ça n'était pas assez bien, et j'espère un jour arriver à me pardonner autant que j'ai pardonné à cet ange qui est parti, et m'aimer autant que je l'ai aimé, l'aime et l'aimerai... c'est si dur d'avancer sans arriver à se pardonner, ni d'avoir pu s'envelopper du draps passionnel lors d'un dernier adieu, ou encore de ressentir ce vide incessant. Pardonne moi, pardonnons nous. Et pardonnez vous si vous le pouvez. Mais surtout, n'ayez plus peurs d'être véritable, d'être vous, comme cet enfant qui rigole sans gène, qui câline sans retenu, ou qui s'émerveille d'amour comme aux premiers mois de la passion amoureuse... je voudrais tant enlacer comme aux premiers jours, loin de toutes ces considérations, de ces peurs, de ces regards extérieurs, en étant unique, fier et resplendissant de lumière... cette affirmation, cette beauté d'être et de vibrer tel que l'on est au fond de soi, c'est l'une des clés au bien-être, qu'importent vos maux.