Belgique >>> L’état de santé de nos enfants se dégrade
Publié par :
http://www.sante-environnement.be/spip.php?article442
Le : 12 novembre 2010
Opinion parue sur lalibre.be le vendredi 12/11/2010
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L’intensification des pollutions provoque davantage de cancers,
d’asthmes, de diabètes et de malformations génitales. La protection de
la santé des enfants doit être une priorité européenne. Pour la
présidence belge ? Une opinion de Paul Lannoye, Martine Dardenne,
Garrance Ferrant, Anne Frey, Sylviane Mergelsberg, Jean-Luc Roussel,
Marie-Eve Tries et Jean-Baptiste Godinot, Membres du MPoc.
Il devient de plus en plus clair pour tout le monde que le gouvernement
actuellement en fonction assumera la responsabilité politique de la
présidence de l’Union européenne jusqu’à son terme. C’est pourquoi nous
sollicitons le gouvernement belge et les partis politiques à propos d’un
enjeu fondamental pour lequel l’Union européenne devrait jouer un rôle
capital : il s’agit de la santé des enfants, problématique qui préoccupe
tous les citoyens quelles que soient leurs options politiques.
On entend souvent clamer, pour célébrer le progrès de notre société, que
l’espérance de vie augmente régulièrement. Nous constatons en effet,
autour de nous, que nos aînés vivent généralement plus vieux que leurs
parents. Ceci ne doit cependant pas occulter une réalité moins rose et
même sérieusement inquiétante : depuis le début des années 80, l’état de
la santé des plus jeunes a tendance à se dégrader dans tous les pays
développés et notamment dans l’Union européenne. L’incidence croissante
de l’asthme, du diabète insulino-dépendant, des troubles psychiques et
du comportement, des malformations génitales et du cancer est
statistiquement confirmée chez les enfants, en particulier les enfants
en bas âge.
Que l’incidence du cancer de l’enfant augmente de 1 % par an en moyenne
depuis 20 ans ne peut laisser personne indifférent ! L’intensification
des différentes pollutions (chimique, radioactive, électromagnétique,
biologique) au cours de ces dernières décennies jointe à la
vulnérabilité particulière des organismes en développement (fœtus,
jeunes enfants, adolescents) explique pour une large part cette
dramatique évolution.
On ne peut nier pourtant que la législation européenne en matière de
protection de l’environnement est ambitieuse : le principe de
précaution, le principe du pollueur-payeur et la réduction des nuisances
en priorité à la source constituent en effet le socle de cette législation.
L’application de ces principes se heurte toutefois à une logique
économique qui en réduit la portée.
Les normes et valeurs-limites constituent généralement un compromis
entre les intérêts économiques de court terme et la protection de
l’environnement et de la santé ; en clair, la santé du secteur
industriel concerné compte autant, voire plus que celle des citoyens.
Ces mêmes normes sont en outre établies pour un homme adulte de 70 kg et
la sensibilité spécifique des jeunes enfants et des fœtus est
insuffisamment prise en compte. Il ne faut pas sous-estimer non plus le
retard généralement apporté à la mise en application des législations
entraînant de ce fait des pollutions irréversibles et des dégâts humains
importants, les plus fragiles étant les victimes prioritaires. Nous
estimons que la protection des êtres humains les plus vulnérables doit
être une priorité politique absolue. C’est le sens de l’appel public que
nous avons lancé récemment [1].
Nous nous adressons à la présidence belge européenne et aux partis pour
que la Belgique utilise sa position européenne pour donner l’impulsion
décisive en ce sens dans le cadre du second plan d’action européen
environnement-santé. Il est plus que temps de passer de la parole et de
l’étude aux actes, ce qui implique la révision de certaines directives
et règlements insuffisamment rigoureux ; concernant notamment l’eau de
boisson, les résidus de pesticides, les additifs alimentaires (une
cinquantaine d’entre eux devraient être bannis) et les appareils
émetteurs-récepteurs d’ondes électromagnétiques en hautes fréquences et
pulsées.
Cela implique également d’appliquer sans délai le principe de précaution
pour ce qui touche aux technologies émergentes et aux risques
nouvellement identifiés. A cet égard, l’irruption des nanotechnologies
sur le marché mérite une attention prioritaire, comme l’a demandé le
Parlement européen en 2009 (résolution A6-0255/2009).
Sur le terrain national, nous proposons dans l’immédiat de décider la
mise en œuvre d’un principe simple, celui de l’enfant le mieux protégé.
Il consiste à appliquer la législation en application dans le monde qui
s’avère la plus rigoureuse.
Le Canada a interdit dès 2008 l’utilisation du BPA (bisphénol A) dans
les biberons en matière plastique. La France a emboîté le pas récemment.
Rien n’empêche la Belgique de faire de même.
La Suède, le Danemark et l’Allemagne ont mis en œuvre un programme
d’élimination des phtalates (perturbateurs endocriniens pour lesquels il
n’y a pas de valeur limite d’innocuité) dans les objets en contact
direct avec les jeunes enfants, plus particulièrement dans les jouets ;
ce programme est nettement plus ambitieux que celui de l’Union européenne.
Pourquoi la Belgique ne se joindrait-elle pas à ces trois pays ?
Nous sommes convaincus que de telles initiatives sont non seulement de
nature à recueillir une large adhésion tant au Nord qu’au Sud de notre
pays, mais qu’elles peuvent aussi contribuer utilement à amorcer une
inflexion décisive pour l’avenir de nos enfants.